Il est 16h44 le 25 juillet 2000 lorsque le Concorde, le plus prestigieux avion d’Air France, seul appareil supersonique au service de l’aviation civile s’écrase sous les fenêtres du siège social de la compagnie aérienne deux minutes après son décollage de l’Aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Cent treize morts sont à déplorer, dont 100 passagers et 9 membres d’équipage.
Dix-neuf ans après ce crash, Air-France KLM, cinquième compagnie aérienne au monde avec un chiffre d’affaires de 29,1 milliards de dollars reste incontestablement un leader du transport aérien.
Que s’est-il passé en 2000 ? Comment l’entreprise a-t-elle su gérer cette crise tragique ?
Depuis sa création en 1933, Air France dispose d’une position de premier plan dans la plupart de ses activités : transport aérien, activité de fret, entretien des avions… La firme a toujours fait de la sécurité sa priorité, elle a notamment choisi d’assurer elle-même la maintenance et la gestion de ses avions. Cependant la compagnie Air France en est pleinement consciente, l’activité ne demeure pas sans risque. C’est pour cette raison qu’une cellule de gestion de crise est mise en place dès les années 50 par l’entreprise. Avec la médiatisation et la popularisation du transport aérien, les exigences ont crû et la tolérance au risque s’est largement abaissée jusqu’à devenir nulle.
La cellule de crise d’Air France tourne autour du CCO, le centre de contrôle des opérations qui ne s’active qu’en cas de problème majeur. Au sein de cette cellule, une cinquantaine de personnes peuvent être isolées pendant plusieurs jours et munies de nombreux moyens techniques afin de répondre à l’urgence de la crise. Le CCO est le point de départ des réflexions stratégiques, de la prise de décisions, des flux informationnels et il permet un suivi en direct de la situation. C’est de cette salle que le 25 juillet 2000 l’alerte a été déclenchée.
Si le crash à Roissy Charles-De-Gaulle a été le point de départ de questionnements autour du Concorde et des risques sécuritaires qu’il engendre, plusieurs incidents sont à déplorer et auraient pu susciter débat : vibrations anormales en 1978, éclatement de deux pneus en 1979, panne d’un réacteur en 1988 puis en 2000, fissure d’un hublot en 1989… Ceci constitue une difficulté de plus dans la gestion de la crise.
Lorsque le PDG d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, ému, prend la parole le soir même du drame, il déclare que l’accident est lié à un problème de moteur. Une enquête judiciaire est ouverte afin de rechercher les causes de l’accident. La réponse de la compagnie se veut rapide et compréhensive, l’objectif recherché est avant tout de comprendre les causes et rassurer sur la situation, pourtant critique. La crise met inévitablement en jeu un critère de proximité, c’est pourquoi une cellule de crise est ouverte à Roissy pour les familles des victimes. Ces dernières sont immédiatement prises en charge, transportées jusqu’à l’aéroport de Roissy Charles-De-Gaulle et un service hôtelier est mis à leur disposition. Pour faire face aux besoins immédiats, une avance aux ayants droit est annoncée par le président à hauteur de 140 000 FF par victime. Une aide psychologique et administrative est de plus proposée aux familles.
Le lendemain de l’accident, Air France met fin à l’exploitation commerciale du Concorde. Ce geste montre bien la responsabilité prise par la compagnie. Elle cherche avant tout à isoler le cas des Concordes et rassurer sur l’exploitation des autres appareils. Un porte-parole précise les causes du retard du vol AF4590, la transparence est de mise sur l’ensemble des éléments liés à l’accident.
Deux jours après le drame, l’accent est mis sur l’émotion et l’hommage aux personnes disparues.
Une aide psychologique et administrative est prise en charge par Air France, de même que les frais funéraires. Une cérémonie religieuse a lieu à Paris le 27 juillet pour la famille et les proches des victimes et l’ensemble du personnel d’Air France dans le monde observe une minute de silence.
En parallèle, la compagnie dément de nombreuses rumeurs parues dans les médias. L’enquête du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) révélera par la suite que la catastrophe a été provoquée par la présence d’une bande d’usure en titane, longue de 43 cm, sur la piste de décollage du Concorde. Elle a été perdue par un DC10 de Continental Airlines, parti quelques minutes plus tôt de Roissy. Le passage du supersonique sur cette lamelle métallique provoque une réaction en chaîne : éclatement d’un pneu du Concorde, perforation d’un réservoir, fuite et inflammation de kérosène, et perte du contrôle de l’appareil.
La communication s’est imposée à la compagnie comme un devoir plus qu’une volonté. La compagnie a fait le choix d’internaliser complètement la gestion de la crise, d’être la source d’information principale, d’affirmer sa responsabilité et de contrôler la médiatisation afin de gérer au mieux les répercussions sur son image de firme internationale.
Elle a aussi fait le choix de dissocier la communication interne et externe en s’appuyant sur l’utilisation du journal du groupe « Concorde » et du réseau « AF Com Net ». Ces deux sources sont accessibles et consultables par la majorité du personnel. Par les flashs d’information sur le site internet, l’ensemble de la compagnie a eu accès à l’ensemble des données actualisées en temps réel : circonstances de l’accident, déclarations du président, gestion de la crise, démentis officiels, hommages et communiqués. Le personnel au cœur de la crise reçoit des renseignements sûrs et l’impact des médias est minimisé. Le journal a fait quant à lui l’objet d’une édition spéciale en noir et blanc quatre jours après l’accident, symbolisant un recueillement et un hommage aux victimes de la tragédie.
La communication externe a relevé d’un véritable enjeu pour la compagnie : limiter au maximum les conséquences sur son image de marque et la confiance des consommateurs. L’entreprise a cherché à être la plus réactive possible, à la fois dans ses déclarations et démentis et a tourné sa stratégie vers une recherche de la vérité ainsi qu’une transparence totale. Un premier communiqué de presse a été édité une heure après l’accident, accessible à la fois aux médias, mais aussi au grand public par le biais du site internet. Quatre ont paru le jour même du drame.
En dehors de la communication, des actions ont été entreprises comme marque de respect à l’égard des victimes et du drame : la distribution de la presse gratuite à bord a été suspendue le lendemain et le surlendemain de l’accident et la campagne publicitaire marquée par le slogan « Faire du ciel le plus bel endroit de la terre » a été arrêtée.
Air France a donc su parfaitement réagir au drame et développer une cellule de crise et communication de qualité qui ont assuré sa pérennité comme leader aérien en Europe et dans le monde. Parmi les points à relever se trouvent notamment : la rapidité et réactivité face à une situation pourtant dramatique, la transparence des informations transmises, l’adaptabilité face aux différents publics concernés, la qualité et responsabilité dans les processus de crise engagés.
Malgré la suspension de cotation du titre d’Air France peu après le drame qui fait suite à une forte volatilité du cours, la perte d’un atout commercial important et l’investissement en grande partie perdu suite à l’arrêt du Concorde, les variations boursières se sont rapidement stabilisées et la compagnie a même connu une progression de son chiffre d’affaires de près de 19 %. En 2000-2001, Air France a gagné des parts de marché en passant de 14,9 % du trafic à 15,3 %.
Après 15 mois d’immobilisation et des ajustements techniques pour renforcer sa sécurité, le Concorde reprend ses vols à la fin 2001. En décembre 2002, une nouvelle défaillance est toutefois signalée sur un des avions.
C’est le coup de grâce pour le supersonique : les deux compagnies qui l’exploitent décident de le retirer du service. Son dernier vol a lieu le 31 mai 2003 pour Air France, et le 24 octobre de la même année pour British Airways.
Dix-neuf ans après ce crash, Air-France KLM, cinquième compagnie aérienne au monde avec un chiffre d’affaires de 29,1 milliards de dollars reste incontestablement un leader du transport aérien.
Que s’est-il passé en 2000 ? Comment l’entreprise a-t-elle su gérer cette crise tragique ?
Depuis sa création en 1933, Air France dispose d’une position de premier plan dans la plupart de ses activités : transport aérien, activité de fret, entretien des avions… La firme a toujours fait de la sécurité sa priorité, elle a notamment choisi d’assurer elle-même la maintenance et la gestion de ses avions. Cependant la compagnie Air France en est pleinement consciente, l’activité ne demeure pas sans risque. C’est pour cette raison qu’une cellule de gestion de crise est mise en place dès les années 50 par l’entreprise. Avec la médiatisation et la popularisation du transport aérien, les exigences ont crû et la tolérance au risque s’est largement abaissée jusqu’à devenir nulle.
La cellule de crise d’Air France tourne autour du CCO, le centre de contrôle des opérations qui ne s’active qu’en cas de problème majeur. Au sein de cette cellule, une cinquantaine de personnes peuvent être isolées pendant plusieurs jours et munies de nombreux moyens techniques afin de répondre à l’urgence de la crise. Le CCO est le point de départ des réflexions stratégiques, de la prise de décisions, des flux informationnels et il permet un suivi en direct de la situation. C’est de cette salle que le 25 juillet 2000 l’alerte a été déclenchée.
Si le crash à Roissy Charles-De-Gaulle a été le point de départ de questionnements autour du Concorde et des risques sécuritaires qu’il engendre, plusieurs incidents sont à déplorer et auraient pu susciter débat : vibrations anormales en 1978, éclatement de deux pneus en 1979, panne d’un réacteur en 1988 puis en 2000, fissure d’un hublot en 1989… Ceci constitue une difficulté de plus dans la gestion de la crise.
Lorsque le PDG d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, ému, prend la parole le soir même du drame, il déclare que l’accident est lié à un problème de moteur. Une enquête judiciaire est ouverte afin de rechercher les causes de l’accident. La réponse de la compagnie se veut rapide et compréhensive, l’objectif recherché est avant tout de comprendre les causes et rassurer sur la situation, pourtant critique. La crise met inévitablement en jeu un critère de proximité, c’est pourquoi une cellule de crise est ouverte à Roissy pour les familles des victimes. Ces dernières sont immédiatement prises en charge, transportées jusqu’à l’aéroport de Roissy Charles-De-Gaulle et un service hôtelier est mis à leur disposition. Pour faire face aux besoins immédiats, une avance aux ayants droit est annoncée par le président à hauteur de 140 000 FF par victime. Une aide psychologique et administrative est de plus proposée aux familles.
Le lendemain de l’accident, Air France met fin à l’exploitation commerciale du Concorde. Ce geste montre bien la responsabilité prise par la compagnie. Elle cherche avant tout à isoler le cas des Concordes et rassurer sur l’exploitation des autres appareils. Un porte-parole précise les causes du retard du vol AF4590, la transparence est de mise sur l’ensemble des éléments liés à l’accident.
Deux jours après le drame, l’accent est mis sur l’émotion et l’hommage aux personnes disparues.
Une aide psychologique et administrative est prise en charge par Air France, de même que les frais funéraires. Une cérémonie religieuse a lieu à Paris le 27 juillet pour la famille et les proches des victimes et l’ensemble du personnel d’Air France dans le monde observe une minute de silence.
En parallèle, la compagnie dément de nombreuses rumeurs parues dans les médias. L’enquête du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) révélera par la suite que la catastrophe a été provoquée par la présence d’une bande d’usure en titane, longue de 43 cm, sur la piste de décollage du Concorde. Elle a été perdue par un DC10 de Continental Airlines, parti quelques minutes plus tôt de Roissy. Le passage du supersonique sur cette lamelle métallique provoque une réaction en chaîne : éclatement d’un pneu du Concorde, perforation d’un réservoir, fuite et inflammation de kérosène, et perte du contrôle de l’appareil.
La communication s’est imposée à la compagnie comme un devoir plus qu’une volonté. La compagnie a fait le choix d’internaliser complètement la gestion de la crise, d’être la source d’information principale, d’affirmer sa responsabilité et de contrôler la médiatisation afin de gérer au mieux les répercussions sur son image de firme internationale.
Elle a aussi fait le choix de dissocier la communication interne et externe en s’appuyant sur l’utilisation du journal du groupe « Concorde » et du réseau « AF Com Net ». Ces deux sources sont accessibles et consultables par la majorité du personnel. Par les flashs d’information sur le site internet, l’ensemble de la compagnie a eu accès à l’ensemble des données actualisées en temps réel : circonstances de l’accident, déclarations du président, gestion de la crise, démentis officiels, hommages et communiqués. Le personnel au cœur de la crise reçoit des renseignements sûrs et l’impact des médias est minimisé. Le journal a fait quant à lui l’objet d’une édition spéciale en noir et blanc quatre jours après l’accident, symbolisant un recueillement et un hommage aux victimes de la tragédie.
La communication externe a relevé d’un véritable enjeu pour la compagnie : limiter au maximum les conséquences sur son image de marque et la confiance des consommateurs. L’entreprise a cherché à être la plus réactive possible, à la fois dans ses déclarations et démentis et a tourné sa stratégie vers une recherche de la vérité ainsi qu’une transparence totale. Un premier communiqué de presse a été édité une heure après l’accident, accessible à la fois aux médias, mais aussi au grand public par le biais du site internet. Quatre ont paru le jour même du drame.
En dehors de la communication, des actions ont été entreprises comme marque de respect à l’égard des victimes et du drame : la distribution de la presse gratuite à bord a été suspendue le lendemain et le surlendemain de l’accident et la campagne publicitaire marquée par le slogan « Faire du ciel le plus bel endroit de la terre » a été arrêtée.
Air France a donc su parfaitement réagir au drame et développer une cellule de crise et communication de qualité qui ont assuré sa pérennité comme leader aérien en Europe et dans le monde. Parmi les points à relever se trouvent notamment : la rapidité et réactivité face à une situation pourtant dramatique, la transparence des informations transmises, l’adaptabilité face aux différents publics concernés, la qualité et responsabilité dans les processus de crise engagés.
Malgré la suspension de cotation du titre d’Air France peu après le drame qui fait suite à une forte volatilité du cours, la perte d’un atout commercial important et l’investissement en grande partie perdu suite à l’arrêt du Concorde, les variations boursières se sont rapidement stabilisées et la compagnie a même connu une progression de son chiffre d’affaires de près de 19 %. En 2000-2001, Air France a gagné des parts de marché en passant de 14,9 % du trafic à 15,3 %.
Après 15 mois d’immobilisation et des ajustements techniques pour renforcer sa sécurité, le Concorde reprend ses vols à la fin 2001. En décembre 2002, une nouvelle défaillance est toutefois signalée sur un des avions.
C’est le coup de grâce pour le supersonique : les deux compagnies qui l’exploitent décident de le retirer du service. Son dernier vol a lieu le 31 mai 2003 pour Air France, et le 24 octobre de la même année pour British Airways.